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dimanche 16 octobre 2016

Bénin : Série de destitution des maires


A peine un an après l'élection des maires au Bénin, nombre d'entre eux ont été destitués alors que la même menace plane sur plusieurs autres.
La plupart des maires destitués ou menacés de destitution sont accusés de mauvaise gestion du plan de développement de leurs localités.

Allada, chef-lieu du département de l'Atlantique (sud), 12 des 18 conseillers ont soutenu la destitution du maire Mathias DJIGLA, accusé de "gestion opaque et solitaire du plan de développement de la commune".
A Parakou, ville métropole du département administratif du Borgou (nord), sur les 25 conseillers que compte le conseil municipal, 19 ont signé une motion de destitution du maire Karimou Adamou Souradjou, lui reprochant une gestion autocratique et solitaire du plan de développement de la commune. Pour les 19 conseillers, la gestion du maire Souradjou est marquée par "une navigation sans boussole", une gestion solitaire des affaires de la cité, une gestion opaque caractérisée par des commandes et contrats de marchés sans aucun respect des normes et dispositions du code de passation des marchés publics en République du Bénin". L'autorité de la municipalité a promis de conduire le processus de sa destitution à terme.
Dans les communes de Malanville, de Djougou, de Djidja, de Bohicon, de Cotonou, de Pehounco, de Zakpota et autres, les maires sont accusés des actes de mauvaise gestion des ressources de leurs communes et sont sous les menaces de destitution.
Mais face à cette situation, le président de l'Association des communes du Bénin (ANCB), Luc ATROKPO, a appelé les conseils communaux et municipaux des 77 communes que compte le pays au calme. "Ces situations de crise mettent à mal non seulement la cohésion au sein des conseils communaux, mais handicapent surtout la mise en œuvre des politiques publiques locales", a-t-il estimé.
Ils sont nombreux à être sur la liste rouge de plusieurs conseils communaux et municipaux depuis l’installation du nouveau régime dirigé par le président Patrice Talon. Ils, ce sont les maires de la troisième mandature des conseils communaux et municipaux.  Si ailleurs le processus de destitution des maires est arrivé à terme, dans d’autres communes il est amorcé et ça grogne dans le rang de plusieurs autres conseils. Cette actualité qui défraye la chronique interpelle la tutelle qui est en charge de la conduite du processus de destitution d’un maire.
Le Conseiller Technique à la Décentralisation (CTD) du ministre de la décentralisation, Georges Houessou, fait une lecture très simple de la situation.  « Là où il y a plusieurs personnes qui sont ensemble, il y a toujours des malentendus » affirme-t-il avant d’ajouter que «… les textes existants, on ne peut pas  empêcher les gens de bien vouloir les exploiter ». Il  pense qu’on ne doit pas en faire un drame et que chacun prenne conscience que ce n’est pas là l’intérêt général et le développement de la commune.

Que disent les textes?

Selon le décret N°376 du 23 Juin 2005, à son article 2,  « en cas de désaccord grave ou de crise de confiance entre le conseil communal ou municipal et le maire, la majorité absolue des conseillers saisit le maire d’une demande  écrite et signée relative à la convocation d’une session extraordinaire du conseil communal ou municipal devant statuer sur un vote de défiance à son encontre ». Cependant, plusieurs étapes sont indispensables avant l’effectivité de la destitution et c’est là intervient l’autorité de tutelle qu’est le préfet. L’article 4 stipule  « dans un délais de quinze (15) jours, à compter de la date d’enregistrement à la préfecture de la requête visée à l’article 2, le préfet met en place un comité de conciliation de trois (3) membres. ». En cas d’échec des tentatives de médiation, l’autorité préfectorale constate par le biais du procès verbal à lui adressé par le comité. C’est en ce moment que le maire réuni sans délai le conseil communal ou municipal pour enclencher le processus de destitution.

Qu’est-ce qui revient aux préfets ?

Il est clair que dans cette actualité, les préfets ont un rôle très important à jouer. Le CTD en est conscient et pense d’ailleurs que « les textes sont très clairs, c’est la tutelle qui enclenche la procédure dès qu’un groupe de conseillers a l’intention de démettre son maire ». A partir du moment où le processus est enclenché par les conseillers, c’est la tutelle qui conduit le processus. D’où cet appel à l’endroit de ces dernières « Je conseille à la tutelle d’appliquer strictement les textes pour sauver l’intérêt général ».
Il est vrai que les textes prévoient la destitution d’un maire, mais avec ces cas de destitution tous azimuts qui s’annoncent au lendemain de l’alternance au pouvoir central, il revient de se poser des questions sur les vrais motifs qui sou tendent ces destitutions.

 Selon certains observateurs politiques:

Les hommes de la Rupture sont « très intelligents et rusés ». Ils n’entendent pas gouverner avec des élus qui sont des obstacles à la mise en oeuvre de la politique du Nouveau Départ. Si la Rupture sous entend la destitution des maires non-partisans à défaut de les limogés en douce comme les cadres de l’administration publique, il faut donc s’attendre à de profonds remaniements des conseils communaux du pays et Cotonou ne sera sans doute pas l’abri.

Le député Guy Dossou Mitokpè a apporté des clarifications:

« Je ne crois fondamentalement pas que la décentralisation sous le Nouveau Départ est synonyme de destitution des maires anti-Talon. (…) La seule chose qui préoccupe aujourd’hui le président Talon, ce sont les réformes (…). La destitution des maires ne peut pas être un projet de réforme ! Destituer des maires, on n’a donc pas besoin pour faire des réformes ! » a-t-il fait savoir.
« On a un programme d’activités que nous sommes en train de déployer et nous allons nous échiner pour que ce programme puisse être déployé de la meilleure des manières. (…) Patrice Talon n’a donc pas besoin de destituer un certain nombre de maire avant de déployer son programme. Il n’a que 60 mois à faire à la tête du pays et lorsqu’on a que 60 mois, je pense qu’il faut aller à l’essentiel. » a-t-il ajouté.
Comme pour dire que les raisons de destitution des maires sont ailleurs, le député a également fait savoir à l’assistance  que le maire de la commune de Djidja (Commune du département du Zou), qui fondamentalement est un pro-Talon, est lui aussi menacé de destitution par son conseil communal. « Je crois qu’il faut recentrer ceux dans quoi nous sommes actuellement. Nous avons parlé de Rupture et nous y travaillons sereinement pour que cela ne puisse pas être qu’un slogan. » a-t-il conclu.


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